dimanche, novembre 12, 2006

lit / thé / rature : Fred Romano ou le miroir d'une existence riche et vivante : "Le film pornographique le moins cher du monde", chapitre 1


- Bon, ben c’est vrai frangin, on s’est défilé les trois livres de Fred Romano, toute son œuvre littéraire publiée en pays franchouille. C’est de la bonne bouille tout plein ! Tu sais, parfois quand je bouquine, je me ressens Singette qui se constipe une chiasse tellement ces histoires peuvent me porter sur le tiroir et surseoir à mon désagrément que j’en abrège les souffrances du mot fin et que je reste sur ma faim. Que nenni avec Fredo, la belle révoltée !
- Moi, ça me fait pareil frangine. Quand je tourne les pages, pas le temps d’attraper une angine, je m’accroche à l’intrigue et fais fi de ma fatigue.
- Par lequel tu veux commencer ?
- Pour une fois, il était une fois une chronologie de la parution me semble de bon aloi.
- « Le film pornographique le moins cher du monde », tu peux raconter à nos lectrices et lecteurs le pourquoi justement de ce titre en forme de boules ?
- Ben ma poule c’est à propos de la rencontre entre Fredo et Michel Colucci en un haut lieu d’hygiène avec aisance nommé par dérision : les Bains-Douches.
- Attends, tu veux dire que Coluche chiait dans une pomme de douche quant il a aperçu Fred pour la première fois ?
- J’ai pas dis ça, hé banane !
- Explique, mazette, j’ai la quéquette qui me gratte.
- « Coluche m’a observée en coin et m’a expliqué, soudain sérieux, qu’il avait un projet auquel nous pourrions collaborer : produire le film pornographique le moins cher du monde. (…) Il m’entortillait dans le fil de l’histoire qu’il déroulait » (page 13)
- Mais le film porno il est au rencard chaque jour aux infos avec l’érection présidentielle !
- Oh, l’autre si tu dis graisse, on n’a pas fini d’honorer l’œuvre romanesque de Fred.
- Bon, de mal en pis, il l’entraîne dans son sillage multi instrumentiste de son existence à cent à l’heure. Même qu’il lui propose de faire les chœurs lors de l’enregistrement d’une reprise de « Da dou ron ron, avec le groupe Au bonheur des Dames » (page 17).
- Non, mais c’est le Bartos qui va pêter une durite.
- Tout ce qu’il voulait c’est qu’on l’respecte. Laisse le Franckos en dehors de notre croc en jambe.
- On était en 1981. Cette date te dit quelque chose.
- Non, j’étais pas né. Et j’ai jamais eu de tonton putassier à racoler pour taper le carton.
- Mais au fête Fred Romano, c’est son vrai blase à la jeune femme de 19 ans tombée en amour pour l’homme à la salopette.
- Le cul c’est important.
- « Michel approuve, une prétention sans borne fait oublier que dans « culture » il y « cul ». le cul comme inconnu, hasard, crépuscule de la servitude. Une culture sans cul se dessèche au point de devenir du savoir, chose aussi utile qu’une cravate et aussi pratique puisqu’on peut la mette dans le diplôme et l’agiter sous le nez de son voisin. » (page 44).
- Et cette réplique de l’admirable Fred qui la galvanisera à toujours écrire aux confins de la marge et ses limites : « Je vole les livres parce que j’aime le risque en littérature » (page 45). « Mais il (Coluche) n’a pas besoin de lire pour apprécier un auteur. On lui raconte l’histoire, il capte ce qu’il a compris au-delà des mots. Ainsi peut-il juger de la finesse d’un écrivain en jaugeant le taux de compréhension du lecteur, comme s’il relevait le niveau d’huile d’une machine pour en saisir le fonctionnement des engrenages ». (page 59). Et sur son rôle d’amuseur : « Or le rire est puissant, parce que c’est aussi une activité physique, durant laquelle se déversent dans le corps des substances chimiques naturelles très proches de l’héroïne. Le rire défonce et prédispose à une écoute profonde des choses. C’est bien pour cela que l’on a essayé de me fermer la gueule ». (page 63) (…) « Michel n’avait pris conscience de ce qui s’était passé qu’avec le recul. Quinze pour cent des Français se disaient prêts à voter pour lui tout de suite, alors que lui n’appelait que les putes, les drogués, les pédés. Ce fut pour la classe politique une révélation, un coup de fouet zébrant la chair molle de la France de la fin des années soixante-dix. Il y avait donc tant de mutants dans les rangs hexagonaux ? » (page 352). « Je m’appellerai Romano, puisqu’on est des gitans ». (page 70).
- Coluche, c’est aussi ses escapades à la Guadeloupe, pour se ressourcer et fumer les délicieux produits locaux en compagnie de la magnifique Fred tout en gardant un regard très respectueux pour la culture et le mode de vie en mer des Caraïbes : « Débarquement à Pointe à Pitre dans le flux d’un vol charter en provenance de Paris. Michel siffle entre ses dents : - Horreur. Des Français moyens… » (page 78). « Oui, oui, le temps-zélastique, le ti’punch et l’argent-braguette, les trois mamelles de la réalité antillaise… L’argent-braguette, ce sont les allocations familiales, ajoute Michel à mon intention, la principale ressource de revenus des habitants de la Basse-Terre. (page 91).
- Même qu’un jour à la veille du tournage d’un nanar à la Claude Zizi, Michel éprouve des difficultés pour se concentrer.
- « Tu viens me rejoindre une fois que la machine est en route. Où veux-tu aller ? En Guadeloupe ? (…)
– Non. J’irai à Formentera. Cette Espagne-là, austère et blanche me plait aussi beaucoup. (page 194) (…) L’île de Formentera apparaît, comme posée sur les flots, et je sais que j’y serai heureuse. (…) La mer ceint l’horizon d’un filet bleu imperturbable qui transforme l’île toute entière en un navire au cours incertain. (…) La vie animiste de Formentera est pour moi beaucoup plus réelle que l’ambiance des studios de cinéma. J’aime la chanson enflammée de l’espagnol, langue perdue de mon enfance ». (pages 195 / 196)
- On ressent entre ses lignes une grande marque d’affection pour cette île et sa culture catalane, où la présence créative de Fred surnage actuellement, au-delà des difficultés existentielles.
- Et puis, les voyages forment la jeunesse :
« - Le luxe est anonyme, identique de Paris à Sydney et d’Oslo à Johannesburg. Ce langage international se résume à trois savons différents dans la salle de bains, signe d’opulence d’un bout à l’autre de la planète. C’est vrai qu’il y a de quoi gerber dans les draps blancs, comme le font toutes les stars de rock’n’roll ». (page 200)
- La vie file à un train d’enfer. Petits coups de canifs dans la relation amoureuse où la transparence teint lieu parfois d’errances et la bague au doigt se vête du vernis de la violence. Poudre aux yeux qui s’en balance :
« - Je veux être écrivain ». (…) « - Ah, toi aussi tu viens de la zone… Tu veux que je te dise ? On est pas comme ces oiseaux-là qui jouent les héros de la nuit le nez poudré et qui vont manger chez papa-maman le dimanche ». (page 291).
- Et puis malgré ses tartes dans la gueule de la part de la gent politicienne, c’est la générosité de Michel qui resurgit lorsqu’il brandit l’étendard de la famine des démunis et des sans grades Toutes ressemblances avec l’opulence et les forfaits des régimes politicards en présence ne seraient pas hélas qu’un pur hasard : « Cette jeune femme, kilt plissé et souliers Hermès, c’est Ségolène Royal, nouvel espoir à l’horizon du groupe socialiste, véritable pasionaria réclamant une société plus juste. (…) Elle a cependant attiré l’œil de Qui-l’on-sait par la radicalité de son discours, en dépit de son sexe faible et de ses origines versaillaises, et par l’humanité de ses propositions sociales. (…) Ségolène Royal ira loin en politique, elle a fait ouvertement allégeance à Qui-l’on-sait …». (pages 365 / 366)
- Ségogo, Ségolène, houuuuuuuuuuuuuuuuuu ! Elle en avait déjà dans le râtelier la belette !
- Fred telle qu’en elle-même toujours authentique fait déborder le vase dans les salons du pou / voir et crache à la gueule de l’hypocrisie ambiante, puisque il parait que chez les humanos, il n’y a pas de fumée bleue sans feu. Il a suffixe d’une simple étincelle pour qu’elle signe la rupture définitive avec Coluche. Quel cirque ! :
« Le Président se tourne vers moi, sourire coincé d’un seul côté du visage.
– Et… qu’êtes-vous en train de faire ?
– Eh bien, nous appelons ça un joint. (…)
– Oh dans ma jeunesse… j’avais des amis dans l’Oranais… qui aimaient beaucoup ça !
– C’était autorisé dans l’Oranais ?
– Euh.. Eh bien, disons que c’était la culture… Enfin, oui bien entendu, c’était autorisé par la tradition !
– Et vous pouvez m’expliquer pourquoi aujourd’hui en France, ce que je suis en train de faire là est passible d’une peine de prison de un mois à cinq ans, alors que c’était autorisé à vos amis ?
Le Président semble réfléchir intensément, puis enfin bafouille, dans le silence, à peine troublé par les toussotements des Attali :
- Les temps ont changé… - Oui, je comprends, le vent a tourné. (…)
– Beaucoup de libertés individuelles sont piétinées, annonce Michel, le regard vert transparent » (pages 416 / 417).
- Bien dit Michel !
- Et comment s’achève ce récit ?
- Par un pain dans la gueule de la belle éconduite, un 3 septembre de l’an 1985.
- Noooooooonnnnnnnnnnn !
- Ben si !
- Salop, Michel !

- Y’a un truc que je voulais rajouter. Dans cet ouvrage que tu ne peux pas lâcher des pognes tellement c’est écrit avec la vivacité et les tripes de l’écrivaine pas vaine, tu trouves un lexique très documenté. Fred Romano ne laisse rien au hasard. C’est du grand art ! Cette vie trépidante au jour le jour et sans concession avec le personnage Coluche, c’est presque du livre noir avec la jaquette rose de l’amour en prose qui se dégomme un somme et ça explose à chaque page, l’amour vache. Ca fait mal pour elle et pour nous, la vraie vie quoi.

Dans notre prochain papier, on parlera de ses nouvelles « Contaminations » et de son second roman « Basque Tanger ». Nous on t’aime Fred Romano ! On attend avec impatience la sortie de ton nouvel ouvrage.

En attendant vous pouvez retrouver la magnifique Fred Romano sur son blog en direct de l’île de Formentera qui s’intitule : MIRALL MOGUT (miroir flou ; catalan) : le blog de Fred Romano

Le film pornographique le moins cher du monde de Fred Romano aux éditions
Pauvert (février 2000).

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